Le cinéaste et le philosophe
Jean-Gabriel Périot, Alain Brossat, Ce que peut le cinéma. Conversations, La Découverte, 2018.
Les belles rencontres, ça n’existe pas seulement dans les films. Jean-Gabriel Périot, le réalisateur du décisif Une jeunesse allemande (2015), se « rend compte qu’Alain existe » par le biais d’un texte, alors qu’il travaille sur 200 000 fantômes (2007), son court métrage sur Hiroshima. Un peu plus d’une décennie auparavant, en effet, Alain Brossat avait donné un article à la revue Autrement, pour un numéro consacré aux 50 ans du largage de la bombe sur la ville japonaise.
Jean-Gabriel Périot : Comme ce texte m’a beaucoup marqué, je suis allé chercher le reste de sa bibliographie, ce qu’a pu faire Alain Brossat par ailleurs, et je m’aperçois que j’ai déjà plusieurs de ses livres dans ma bibliothèque, sur des sujets différents, son livre sur les tondues à la Libération par exemple ou encore celui sur la prison. Je range ma bibliothèque selon les thèmes de mes films et achète souvent des livres pour leur contenu documentaire, sans faire attention aux noms de leurs auteurs. Sans que j’y prête attention, les livres d’Alain m’accompagnaient donc depuis déjà un certain temps, mais je n’avais pas pris conscience de cette communauté de thèmes et de ces centres d’intérêt qui me rapprochaient de cet auteur-là. Avec le recul, et même si nos outils ne sont pas les mêmes, je pense que d’autres choses nous rassemblent comme une certaine forme d’impolitesse, un refus de l’évidence ou de la chose établie. Alain compte parmi les auteurs qui me permettent de comprendre, très concrètement, certains sujets sur lesquels je travaille.
Alain Brossat : Ce qui me touche dans ce que dit Jean-Gabriel, c’est que les livres importent plus que les noms propres. Il avait oublié mon nom, mais pas mes bouquins, et c’est très bien comme ça ! Moi je l’ai connu par son film sur les tondues. Son nom ne me disait rigoureusement rien, mais je m’étais appuyé sur ce film lors d’un topo sur ce même sujet, que j’avais traité quelques années auparavant dans Les tondues. Un carnaval moche. C’est très important que les affinités électives se mettent en place de cette façon, à travers le travail, et pas à travers des « diners en ville ». Souvent ce sont les diners en ville qui créent les connivences et rapprochent les gens. On a alors affaire à un système, que Bourdieu a magnifiquement décrit, de reconnaissance mutuelle : « C’est vachement bien ce que t’as fait !… » – et l’autre, évidemment, ne doit surtout pas oublier de renvoyer l’ascenseur… La conversation, qui donne son sous-titre à notre livre, c’est tout autre chose : l’un comme l’autre nous tenons à ce terme parce que c’est anticommunicationnel. C’est-à-dire que c’est une longue conversation qui a duré des mois, peut-être des années, qui bien sûr n’a pu être possible que grâce à internet, mais qui suppose une certaine lenteur. L’un d’entre nous énonce quelque chose, l’autre le reçoit, soit ça le stimule, ça l’énerve et il répond dans la foulée, soit il laisse le temps de l’examen, de la réflexion, de la mise en question des certitudes acquises. Evidemment, des choses ont été coupées : Jean-Gabriel, qui est monteur, à l’origine, a agencé ce texte, magnifiquement. Ce qui peut se développer comme ça, c’est précisément le contraire de la façon dont on fait semblant d’échanger, alors qu’en réalité « on se parle dessus », comme on dit « se marcher dessus », sur les plateaux de télévision, par exemple. Cette forme, qu’on a appelé « conversation », plutôt qu’autre chose, c’est peut-être un peu passéiste, un peu XVIIIe siècle, mais peu importe, converser aussi longtemps qu’il le fallait pour arriver à notre propos, sans chercher à être d’accord sur tout, c’est comme ça que le livre s’est construit, avec des échos, entre ce que l’un pouvait lancer et que l’autre pouvait rattraper au rebond.
Le livre s’ouvre sur l’examen d’une citation de Michel Foucault qui questionne l’utilité ou la portée politique de l’acte d’écrire, que les deux auteurs envisagent d’ailleurs comme un cas particulier de l’acte de création en général. Tout le sens du livre, comme l’indique du reste son titre, tourne autour de la question de la capacité du cinéma à produire des effets dans le champ politique.
A.B. : La question que pose Foucault, et que nous avons en commun, est une question qui vient de loin, et qui peut s’énoncer de la manière suivante : c’est bien que Genet ait écrit Les bonnes et Les paravents, mais si c’est pour les jouer à la Comédie française ou à l’Odéon, est-ce qu’il n’y a pas un problème ? Il s’agit de la façon dont une écriture qui est dotée – qui se dote elle-même – d’une certaine puissance de radicalité, de subversivité, d’une certaine portée critique, dans sa réalisation, dans la façon dont elle rencontre le réel, ou ses conditions de diffusion, va devenir littérature, au sens où la littérature serait un bien de consommation, une denrée culturelle. Cette question hante Foucault, qui la transpose dans le domaine de la philosophie : finalement, ça sert à quoi ces cours au Collège de France, ces conférences que je vais faire au Japon, au Brésil, aux Etats-Unis et ailleurs, puisque j’en vois autour de moi, plus ou moins jeunes que moi, qui n’ont pas moins de talent, choisir une autre voie, abandonner toute ambition littéraire, universitaire et autres, pour « passer à l’action » – avec tous les guillemets qu’on voudra, l’une des formes notoires de ce passage à l’action étant à l’époque le fait de s’établir en usine, ce qui, comme chacun sait, redeviendra littérature par la suite : c’est le fameux livre de Robert Linhart, L’établi, même si le statut littéraire de ce livre peut être discuté… Ce qui nous intéresse évidemment, Jean-Gabriel et moi, c’est de voir comment cette question trouve sa surface d’inscription dans notre actualité. L’un des plis essentiels, aujourd’hui, sur toutes les scènes de l’art contemporain, c’est la prolifération d’une rhétorique de la radicalité, de la subversion, qui bien souvent n’est qu’une manière de créer de la visibilité ; ou du moins, disons que l’art contemporain, sous ses diverses formes, se trouve fortement parasité par des stratégies de conquête de la visibilité. Comment retrouver le fil d’une radicalité effective, ou d’une puissance critique d’écriture ou de pratique artistique qui ne tombe pas dans ces ornières-là, qui ne soit pas saisi par ce type de dispositif, piégé par ce genre de mauvaise foi, ou de fausse conscience, comme on voudra… Difficile de ne pas voir qu’un certain n’importe quoi prolifère aujourd’hui, avec tous les alibis des bonnes causes et d’une pseudo-radicalité, mais qui n’est en fait que l’expression d’un nihilisme insondable. Pour une part, notre point de départ était celui-là : comment sortir de cet écueil, dans un agir cinématographique, un agir artistique qui ne soit pas piégé par la culturisation du monde.
J.-G. P. : Mon rapport au cinéma est lié à l’enfance, au simple plaisir d’aller voir des films en salles. Mais ce qui me fait devenir cinéaste, un moment, c’est le fait de découvrir les avant-gardes, comme le cinéma militant des années 60-70 par exemple, un des âges d’or du cinéma politique ou « engagé », en tout cas d’un cinéma qui se questionne sur le monde. A contrario, je ne trouvais rien d’équivalent dans le cinéma contemporain, rien qui pouvait avoir la force d’un Chris Marker ou d’autres réalisateurs qui réussissaient à allier la puissance d’une proposition visuelle et la force d’un discours ou d’un questionnement sur le monde. Grosso modo, dans les années 90-2000, il y avait soit des films qui se prétendaient politiques et qui ne l’étaient pas, soit des films quasi amateurs en termes de forme, le mauvais film militant. C’était encore pire dans l’art contemporain : pas une exposition qui ne se présentait comme « politique », comme si ne pas être qualifiée de « politique » était un problème pour un artiste... Pour moi, il y avait une contradiction entre ce discours, ces effets d’annonce et une absence réelle d’œuvre contemporaine réellement politique. À un moment, je me suis dit : maintenant, au lieu de râler, ces films qui me manquent, je vais les faire. Il fallait bien que quelqu’un les fasse ! Ils ne manquaient pas forcément au monde – ils me manquaient à moi, en tant que spectateur.
Sur ce que serait un « agir cinématographique », ce qui me semble important, c’est la place qu’on se donne en tant que créateur, ou écrivain, ou penseur – quels buts on se donne. Paradoxalement, il me semble que la seule solution est la modestie. Par exemple, dans ma démarche, je fais du cinéma qu’on pourrait qualifier de politique, mais je ne suis pas un « cinéaste politique ». Je ne fais pas de films en imaginant l’impact qu’ils vont avoir. Je n’ai jamais fait de film en me disant : « C’est super important de parler de ça, il faut que tout le monde le sache ! », ou « Ma vision du monde est tellement supérieure qu’il faut que je la livre aux spectateurs… » Je m’intéresse à des sujets qui sont plutôt sérieux, je peux en avoir une lecture critique, mais pour autant je ne pense jamais mes films comme lieux de partage de mes positions face à ces sujets. Quand je vois la manière de travailler de certains de mes collègues qui sont tout fiers de trouver enfin un sujet important, qui se donnent bonne conscience en prétendant faire œuvre politique, qui pensent ainsi agir ou militer, ça me désole. Quand en tant qu’artiste on pense que son travail va avoir un impact concret, ça n’aboutit jamais à rien… Ou alors on fait du cinéma de propagande. Si on veut vraiment changer le monde, il faut aller travailler à TF1 mais dans le champ du cinéma ça n’a jamais marché, même Vertov si est cassé les dents. En tout cas, je pense qu’en tant qu’auteur, réalisateur, écrivain, etc. il ne faut pas s’assigner de tâche.
Alors, comment les films ont un impact ?, car ils peuvent évidemment en avoir, ça reste mystérieux, pour moi. Je sais que des films agissent, qu’ils questionnent les spectateurs, qu’ils peuvent les ébranler. Mais effectivement pour revenir à ce que disait Alain, en tant que cinéaste, il faut se débrouiller avec toutes les contradictions du milieu culturel dans lequel on est inscrit. Par exemple, être un cinéaste qui permet aux festivals de cocher leur petite case de bonne conscience politique, ce n’est pas évident. Je suis moi ce réalisateur qui va faire un film-tract programmé entre deux comédies insignifiantes. De manière plus problématique, on doit aussi se dépêtrer avec les questions financières. Le cinéma reste très cher. Quand je fais Une jeunesse allemande, ça se fait avec de beaucoup d’argent, il faut compter en années de SMIC… Presque en vies de salaires au SMIC. Il est très délicat, en tant que cinéaste ayant une certaine conscience, de se confronter avec ce problème-là.
Alain Brossat, comment envisagez-vous cette articulation – ou cette articulation impossible – entre l’engagement militant et la création cinématographique ?
A.B. : La question serait plutôt, pour moi, de savoir ce que devient le sens du terme « politique » quand on le met en relation avec le cinéma.
Il ne suffit pas de faire un film qui épouse une « bonne cause » pour en faire un film politique. Il ne suffit pas qu’un film soit moralement impeccable dans ses intentions pour qu’il ait un sens ou un débouché politique quelconque. Il ne suffit même pas qu’un film soit engagé au sens où il mettrait en avant des catégories sociales défavorisées, maltraitées, humiliées, stigmatisées, en vue de les réhabiliter, pour que cela fasse un film politique. Pour qu’un film ait une dimension politique, il faut que quelque chose comme un peuple émerge. Nous sommes dans un temps où règne une immense confusion entre ce qu’on appelle couramment, d’un mot fourre-tout, le « social » – les questions sociales, les bonnes causes sociales, etc. – et ce qu’est à proprement parler la politique. Pour moi, un cinéma politique, c’est un cinéma dans lequel il y a du peuple ; c’est un cinéma dans lequel émerge un peuple. Quel qu’il soit ! Et ça peut être, donc, pour le meilleur et pour le pire. Et il ne suffit pas qu’un film apporte à un public qui se perçoit lui-même comme engagé les satisfactions qu’il attend, pour que ce soit un film politique : c’est ce que je reproche au cinéma de Ken Loach, pour autant que c’est devenu une image de marque aujourd’hui. Pas ses premiers films, mais ceux d’aujourd’hui qui sont des films – à cet égard, d’ailleurs, dans un autre registre, ce serait la même chose pour les films des frères Dardenne – clairement étiquetés comme de « gauche radicale », et qui sont des films pour le public. C’est un cinéma qui en premier lieu se soucie de son public, et qui va lui transmettre les messages qu’il attend, de façon à ce que ce public trouve un mode de confirmation de ce qu’il pense, de ce qu’il croit, de tout ce qui est son domaine de convictions, de valeurs, d’éthique, etc. Tout ça tourne en boucle. Ce cinéma, qui a largement perdu l’intuition de ce que c’est qu’un peuple, ne peut pas être un cinéma politique. Sans vouloir tomber dans un quelconque passéisme ou la nostalgie, cette intuition de ce qu’est un peuple, elle traverse encore largement le cinéma français des années 30 aux années 50. Encore une fois, ça peut être pour le meilleur comme pour le pire – quand c’est chez Autan-Lara, c’est pas très bon… Mais chez d’autres, c’est mieux.
Donc je pense qu’il faut déplacer cette question : engagé/pas engagé, parce que la façon d’exhiber le caractère engagé d’un film, ça ne veut rien dire. L’intention d’engagement ne dit rien quant à la qualité du film, quant à sa portée, ni quant à sa puissance politique : un film, s’il veut être politique, il faut qu’il ait une énergie, une puissance politique, et pas seulement qu’il donne des messages. Les messages, c’est rien – on les oublie. Cela ne sert à rien et peut aussi bien être fait par d’autres. Il faut respecter les puissances propres du cinéma. Or, l’une des puissances propres du cinéma, c’est de faire émerger un peuple. Voilà un des points qui devraient être en discussion aujourd’hui.
Malgré la proximité des thèmes que vous traitez dans vos œuvres respectives, et une communauté de vues indéniable sur bien des points, ce qui frappe également à la lecture de votre ouvrage, c’est que vous ne cherchez à aucun moment à gommer vos divergences, notamment sur ces critères qui permettraient de définir un cinéma réellement politique.
J.-G. P. : C’est vrai que dans notre conversation on n’arrive à aucune définition – il n’y en a pas – de ce que serait le cinéma politique. Je comprends ce qu’Alain raconte sur l’image d’un peuple, mais il y a du coup d’autres films que je considèrerais comme des films politiques, qui vont échapper à cette catégorie-là. Ils ne s’intéressent pas aux questions de la représentation d’un peuple, même absent, ou d’une communauté. Au delà, si on doit penser le cinéma en termes politiques, il faut aussi s’intéresser à la manière dont les films s’adressent au public, c’est-à-dire à la manière d’engager, ou pas, l’intelligence des spectateurs, de poser des questions, d’éviter toute forme de message, de réponse ; de considérer le public comme pouvant s’emparer d’une proposition, réfléchir, etc. Il y a des films dont on sort en ayant l’impression d’être plus intelligent. Là, pour moi, se joue quelque chose qui pourrait rentrer dans ma définition du cinéma comme politique.
Moi même, je ne me pose jamais la question du public quand je fais un film, mais je vois les réactions qu’ils suscitent un fois montrés. Par exemple, je présente souvent Eût-elle été criminelle, sur les tondues, dans des collèges ou des lycées : soit la discussion arrive toute seule, soit je la lance mais en tout cas je reste à chaque fois étonné de voir qu’un tel film puisse permettre à des gamins de parler pendant deux heures, sans que ni les profs ni moi n’ayons besoin d’intervenir… Les profs peuvent se taire, je peux me taire, mais pourtant ça discute, ça s’engueule ! Là, on se dit, oui il y a quelque chose qui bouge, il se passe quelque chose que je trouve, disons, singulier… Il y a certains films qui font ça. C’est très délicat, parce que je ne sais pas comment ça marche, je ne sais pas pourquoi à partir de certains films il y a une discussion, et à partir d’autres il n’y en a pas. Cela ne m’appartient pas en tant que réalisateur, mais en tout cas il se joue parfois quelque chose que je pourrais appeler – ou qui aurait à voir avec – le politique.
A.B. : On pourrait trouver un autre dégagement sur un point qui est vraiment très important, à mon sens, la question de l’utopie : savoir jusqu’à quel point le cinéma peut relancer les puissances critiques de la philosophie, et inversement si la philosophie peut relancer les puissances critiques du cinéma. Je dis ça sur un ton un peu badin, on ne se prend pas au sérieux à ce point-là, mais ce n’est pas un hasard, par exemple, si on était d’accord sur le fait qu’à un moment ou un autre, il allait falloir qu’on parle de Godard. Pourquoi ? Pas pour parler de la Nouvelle vague, mais parce que Godard, c’est sans doute le seul dans le cinéma français qui s’est posé cette question-là, à peu près dans ces termes-là. A l’évidence, Godard est un cinéaste philosophe, et peut-être une sorte de philosophe-poète qui fait du cinéma. Donc nous sommes passés par Godard pour aborder cette question : dans un film qui vaut la peine, il y a des propositions de pensée. Quel qu’il soit. Cela peut être y compris un film de divertissement. Dans le livre je prends un exemple, un film de Jerry Lewis, Bellboy, qui est une pure comédie, où il y a une proposition de pensée très importante, qui tourne autour de l’idée suivante : il y a une personne qui est le subalterne typique, caractérisé comme tel par le fait que jamais personne n’écoute ce qu’il voudrait dire. Donc, dès qu’il commence une phrase on lui coupe la parole et on ne se soucie que de savoir s’il est capable d’exécuter correctement les ordres qu’on lui donne, et de se tenir à sa place. Et puis un jour il y a un imbroglio qui fait que, soudain, on s’aperçoit qu’il peut causer. Ce qui veut dire qu’il a une intelligence. Donc qu’il n’est pas seulement le subalterne à sa place, mais qu’il est une sorte d’être humain pensant, réfléchissant, et éloquent de surcroît. Là il y a ce qu’on peut appeler un concept-image, qui émerge dans cette pure et simple comédie, à travers les grimaces te les clowneries de Jerry Lewis. C’est là qu’une connivence peut s’établir, qu’a bien relevée quelqu’un comme Deleuze, entre philosophie et cinéma. Et nous avons essayé, sans forcément y avoir beaucoup réfléchi – mais puisque chacun est dans son métier dans cette histoire-là – on s’est dit, tant qu’à faire, voyons comment on peut construire quelque chose sur cette charnière. C’est une idée à laquelle je tiens beaucoup : dans n’importe quel film – c’est ce qui vaut dans le cinéma – on peut avoir une surprise à chaque instant. Dans le western le plus standard : « tiens, là il y a une proposition de pensée », dans le western de série B : « ça, c’est du Kant à 100% ! » Formidable ! Et je vois comment le type a déployé une proposition kantienne pour un public de western de série B. C’est extraordinaire. C’est le côté miraculeux du cinéma : il l’a évidemment fait avec une efficacité qu’aucun cours, qu’aucun prof de philo ne pourra jamais atteindre, bien sûr. Le cinéma produit des images qui sont aussi des pensées. A partir de là, on peut imaginer un jeu, un système d’interactions entre la philosophie au sens le plus large, comme discours, et le cinéma comme un flux perpétuel et sans cesse renouvelé, qui est un espace de jeu infini, et extraordinairement jubilatoire.
Propos recueillis à la librairie Texture le 14 septembre 2018.
Cédric Cagnat
Ici et ailleurs
20 décembre 2018
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